Dans un période de reconfinement et alors que les travaux de fin d’année se profilent, quel est l’impact de la Covid sur la sinistralité ? Pour l’heure, les premiers effets de la Covid pour les assureurs ne sont pas encore lisibles, du fait notamment des durations différentes en fonction des types de garanties. Néanmoins, de premiers éléments apparaissent :
- En assurance Auto, la période de confinement stricte connue au premier trimestre a entraîné une baisse très sensible de la sinistralité, au point qu’un assureur mutualiste a fait le choix de reverser une partie de ses primes ;
- En assurance MRH, la sinistralité est également un peu moins forte, liée à la présence de personnes dans leurs logements, permettent notamment de réduire les vols ;
- En assurance-crédit, les enseignements sont moins clairs : la sinistralité est actuellement très faible pour les survenances de l’année, en lien avec le plan de soutien aux entreprises de l’Etat, qui a consolidé les trésoreries, et avec l’interdiction temporaire faite aux tribunaux de commerce de déclarer les entreprises en faillite. Néanmoins, un rattrapage de la sinistralité est à craindre ;
- En assurance pertes d’exploitation, les spécificités propres à chaque contrat compliquent la mise en place d’une jurisprudence claire, même si les tribunaux semblent pour l’instant plus favorables aux assurés qu’aux assureurs, ce qui laisse entrevoir une sinistralité forte dans les mois à venir ;
- En assurance santé, là aussi les conséquences sont mitigées, puisque certes une surmortalité a été constatée lors du pic d’infection début 2020, suivie d’une sous mortalité générale par la suite.
De fait, toute méthode de provisionnement doit prendre en compte les spécificités des garanties par rapport à la Covid, et les méthodes traditionnelles semblent dépassées.
Consultez l’article Berquist & Sherman
La méthode de Berquist Sherman permet de dépasser une partie de ces limites.
Pourquoi utiliser Berquist Sherman
Deux méthodes sont proposées par Berquist-Sherman, en fonction de la situation de l’entreprise :
- Si les assurances voient leurs PSAP (ou provisions dossier-dossier) subitement augmenter en cette période de pandémie (augmentation des sinistres en nombre ou en sévérité), la première méthode est à utiliser. C’est une situation envisageable à court ou moyen terme en assurance–crédit.
- Si ce sont les règlements de sinistres qui augmentent rapidement (en nombre ou en sévérité), on devra plutôt s’orienter vers la seconde méthode (qui s’applique alors plus à l’assurance santé).
La première méthode consiste ainsi à ajuster le triangle des dans l’optique de réduire l’effet d’une instabilité des montants de , en respectant les étapes suivantes :
- Ajustement d’une courbe mathématique pour chaque colonne du triangle des
- Sélection d’une tendance pour le triangle des et lissage de ses diagonales
- Ajustement du triangle des
- Ajustement du triangle de la charges des sinistres déclarés
La seconde méthode consiste à ajuster le triangle de
à travers celui des
(montants cumulés de prestations payées), en respectant les étapes suivantes :
- Calcul et validation de la fiabilité du triangle des fréquences cumulées de clôture des sinistres déclarés
- Recherche d’une relation mathématique entre le montant cumulé de prestations payées et le nombre cumulé de sinistres clos pour une année de survenance i
- Ajustement du triangle SR de montants de prestations payées
- Ajustement du triangle de la charges des sinistres déclarés
L’ensemble de ces étapes a fait l’objet d’un article détaillé à retrouver ici
Une problématique est commune à ces deux méthodes, où un paramètre est utilisé. Dans leur article, Berquist et Sherman l’avait évalué à 15% à partir d’un portefeuille de sinistres remontant aux années 80 et sur le risque médical. Il nous apparaît important de voir si ce ratio est bien applicable à l’ensemble des garanties, et si le benchmark est toujours d’actualité.
Quel paramètre choisir ?
La première étape de la méthode consiste à tester les hypothèses et appliquer une régression exponentielle qui nous permet d’obtenir le taux de tendance annuel dans les pour chaque année de développement j.
Nous proposons alors de choisir comme estimateur de la tendance moyenne , le taux moyen de calculé sur les premières années de développement du triangle. Cet estimateur doit vérifier les points suivants :
- Le R² calculé à partir de la régression doit idéalement être proche de 1.
- Les années de développement choisies doivent faire l’objet d’une attention particulière de l’actuaire, voire d’un avis d’expert.
Si ces points sont vérifiés, on obtient alors une tendance basée sur nos données et l’on peut alors ajuster notre triangle et passer à l’étape suivante.
Les taux ainsi calculés pour les garanties IARD sont les suivants :
De fait, le taux de 15% communiqué par les rédacteurs originels de l’article nous paraît plutôt pertinent en auto et en assurance-crédit, mais doit être systématiquement revu à la baisse en MRH.
Choix de la méthode, à quels impacts s’attendre ?
Le tableau ci-dessous présente le niveau d’ultime calculé sur la base d’un portefeuille attritionnel à faible duration en fonction des différentes méthodes choisies :
- Méthode 1 : Utilisation d’un benchmark marché (15%) pour estimer le taux de clôture de sinistre des antérieurs et utilisation d’un Chain-ladder classique sur charge
- Méthode 2.a : Correction des taux de clôtures historiques, application d’une régression exponentielle pour en déduire les paiements et utilisation Chain-ladder classique sur charge
- Méthode 2.b : Correction des taux de clôtures historiques, application d’une régression exponentielle pour en déduire les paiements et utilisation Chain-ladder classique sur paiement
Evolution des Ultimes en base 100 suivant les méthodes de liquidation
Il ressort des méthodes 2.a et 2.b, basées sur les données portefeuilles, des niveaux de provisions bien inférieurs à ceux calculés suivant des méthodes de liquidation classique, en charge ou en paiement.
La méthode 1, basée elle sur un benchmark marché, projette une forte augmentation du niveau de provision sur le courant, ce qui questionne l’usage de benchmark sur certain portefeuilles.
D’une manière générale, la méthode de Berquist-Sherman nous conforte dans l’idée qu’il est possible d’approfondir les méthodes de liquidation classique sur le courant, elle est à voir comme une alternative à d’autres méthodes type Bornhuette-Ferguson par exemple, qui sont particulièrement utilisées sur les années récentes.
Utiliser notre outil
Pour accompagner vos travaux de clôture annuel, il est possible de travailler à partir du simulateur téléchargable via le formulaire ci-contre. Ce simulateur est construit sur l’outil excel et VBA. Une fois le fichier téléchargé, vous avez la possibilité de le modifier.
L’outil se décompose en 3 onglets de la manière suivante :
- « TdB » : cet onglet Tableau de Bord contient :
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- Une partie « Méthodologie » à gauche, qui est l’interface qui permet saisir les paramètres (profondeur d’historique et choix du R) et de lancer les macros de dimensionnement des triangles et de calculs des montants ultimes projetés avec et sans lissage de Berquist-Sherman.
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- Une partie « Résultats » qui compare les ultimes projetés avec Chain-Ladder, sans lissage Berquist-Sherman d’une part, et avec les 2 approches de lissage Berquist-Sherman d’autre part.
- « Inputs » : cette feuille contient les 6 triangles de données en entrée à charger. Il s’agit de :
- 3 triangles de montants en millions d’euros :
- CHSIN : triangle des charges de sinistres cumulées (calculées automatiquement à partir des 2 triangles ci-dessous) ;
- PSAP : triangle des provisions pour sinistres à payer ;
- SR : triangle des règlements de sinistres ;
- 3 triangles de montants en millions d’euros :
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- 3 triangles de nombre de sinistres : déclarés (calculés automatiquement), ouverts et clos.
- « Calculs » :
Il s’agit des calculs reprenant l’article de Berquist-Sherman.
Cet onglet nécessite de faire tourner la macro « Generer_calculs » de la partie Méthodologie de l’onglet « TdB ». Les résultats peuvent ensuite être étudiés de manière globale dans la partie « Résultats » de l’onglet « TdB » ou de manière plus détaillée dans ce même onglet « Calculs ».
Pas à pas
Choisir la profondeur d’historique (ici 2 ans), lancer la macro pour avoir dans l’onglet « Inputs » les triangles avec cette profondeur d’historique, et ensuite remplir l’onglet « Inputs ».
Le temps de traitement de la première macro est fonction du nombre de cellules appelées dans les triangles, et peut aller de 2 à 9 minutes.
Choisir le Trend, ici 15%, et lancer les calculs avec la deuxième macro :
Les résultats se trouvent ensuite ici (partie droite de l’onglet « TdB ») :
Neil Bellagha, Saïda Derkaoui, Benjamin Silva, Antoine Badillet