Retraite et prévoyance : l’impact de la réforme Fillon
La réforme de 2010 – dite « Fillon » – avait décalé l’âge de départ à la retraite de 60 ans à 62 ans, les impacts ont été significatifs sur la prévoyance.
Le recul de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans concernait les actifs et les personnes en incapacité permanente. La mesure imposait ainsi aux assureurs de verser des indemnités pour 2 années supplémentaires. Cet allongement de la durée d’activité avait entraîné une augmentation des provisions de l’ordre de 15%. Le complément de provisions étant significatif, les assureurs avaient été autorisés à l’étaler sur 5 ans. Par ailleurs, pour les nouveaux contrats les cotisations avaient augmenté de 5% à 10%.
Réforme des retraites 2023 : un effet atténué
Avec la réforme en cours, l’effet s’annonce moindre pour les assureurs. En effet, le texte prévoit que, pour les assurés en incapacité permanente, le départ à taux plein soit maintenu à 62 ans, tant pour les arrêts en cours que pour les arrêts à venir.
C’est en effet l’article L351-8 du Code de la Sécurité Sociale qui continuera de s’appliquer : « Bénéficient du taux plein même s’ils ne justifient pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires : 1° ter Les assurés justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret*, qui atteignent l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2** ».
*Ce décret fixe cette incapacité permanente à 50%.
** Dans cet article, l’âge mentionné est de 62 ans.
L’âge auquel l’employeur peut imposer un départ à la retraite reste quant à lui fixé à 67 ans. Le provisionnement des arrêts de travail pour les personnes de plus de 62 ans n’est donc pas impacté par la réforme.
L’impact sera minime si le salarié décide de partir à la retraite à taux plein. Le cas échéant, si le salarié décide de partir à l’âge légal, il y aura tout de même un impact sur le provisionnement dans le cas où ce dernier tomberait en incapacité de travail entre 62 ans et 64 ans.
Si le gouvernement n’avait pas préservé les personnes en incapacité permanente, alors les assureurs auraient dû constituer une provision complémentaire de l’ordre de 12% des provisions actuelles pour un report à 64 ans. Dans le cas d’un report à 65 ans, le complément de provision aurait atteint 16%.
Selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), les pensions d’invalidité auraient en moyenne compté 160 000 bénéficiaires supplémentaires. Cela aurait représenté un coût estimé à 1,8 milliard d’euros, entièrement supporté par les assureurs puisqu’un assuré en état d’incapacité ou d’invalidité ne cotise plus.
Retraite et prévoyance : un impact sur la sinistralité
Depuis la réforme Fillon, l’âge moyen des salariés a augmenté d’environ un an. Ce décalage n’a pas été sans conséquence sur la sinistralité en prévoyance : plus les personnes actives sont âgées, plus les risques de décès et d’arrêts de travail sont élevés.
Avec cette nouvelle réforme, nous pouvons donc supposer que le vieillissement de la population active sera équivalent pour atteindre 42,3 ans. Dans notre étude d’impact sur le coût des arrêts de travail, nous simulons ce vieillissement, en supposant que le part des 60-64 ans dans la population active passe de 5,3% (selon l’INSEE) à 10%.
Le taux d’absentéisme augmente avec l’âge.
Pourcentage d’arrêt de travail en fonction de l’âge
Source : Observatoire de l’absentéisme – IFOP
En 2021, la fréquence des arrêts de travail s’élevait à 3,21% pour les moins de 25 ans, à 4,53% pour les 35-44 ans, à 5,39% pour les 45-54 ans et à 6,81% pour les plus de 55 ans. En appliquant notre nouvelle distribution par tranche d’âges, on estime que la fréquence des arrêts de travail dans l’entreprise devrait augmenter de 2 %.
De même, la durée des arrêts de travail augmente également avec l’âge (annexe 2).
En 2016, selon la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie), la durée moyenne d’un arrêt de travail s’élevait à 76 jours pour les actifs de plus de 60 ans. C’est plus du double de la moyenne de l’ensemble de la population active, qui s’élève à 33 jours.
A moyen terme, la combinaison de ces effets devrait entraîner une hausse de la sinistralité de l’ordre de 8%.
Enfin, il faut compter avec un effet salaire. Plus les personnes sont âgées, plus elles ont un salaire moyen élevé, et plus le coût est important pour l’assureur puisque les garanties « arrêt de travail » et « décès » sont calculées en pourcentage du salaire.
Conclusion
Avec cette réforme, les assureurs ont échappé à une augmentation des provisions en cours grâce au maintien du départ à 62 ans pour les personnes en incapacité permanente. Mais ils devront prendre en compte la déformation progressive de la pyramide des âges des entreprises qui aura un impact sur l’équilibre des régimes et donc sur les cotisations. Les impacts seront différenciés en fonction des secteurs d’activité car le vieillissement des actifs ne sera pas homogène.