PSC : une réforme en profondeur
Avec la réforme, la protection sociale complémentaire Santé et Prévoyance de la fonction publique, jusqu’à présent gérée au sein de contrats individuels, passe désormais par des contrats collectifs à adhésion obligatoire. La réforme ouvre la concurrence et remet en question le fonctionnement des acteurs en place avec des enjeux de transformation forts sur les activités de ventes, d’expérience client et de gestion.
Après une longue attente, l’accord interministériel signé le 20 octobre dernier apporte des compléments précis sur les attendus relatifs au volet prévoyance (les aspects concernant la Santé avait été traités en mars 2022).
Par ailleurs, l’entrée en vigueur de la PSC pour les agents de l’Etat reportée à 2025 (initialement 2024) au printemps dernier a été inscrit dans le Projet de loi de finance 2024 du 9 novembre 2023.
Réforme de la PSC : l’ouverture de la concurrence se concrétise déjà
La taille du marché et les moyens financiers supplémentaires considérables annoncés par les acteurs du marché mutualiste attisent les convoitises.
Les mutuelles de la Fonction publique sortent de leurs frontières historiques, à l’exemple de la MGEN ou d’Intériale. Des mutuelles interprofessionnelles ont pris position dans la Fonction publique territoriale. Des acteurs non issus de la mutualité sont quant à eux arrivés lors des précédentes procédures de mise en concurrence. Certains avaient investi la place seuls (CNP Assurances), d’autres s’étaient appuyés sur les mutuelles intégrées à leurs pôles mutualistes (Klesia ou encore Aéma), d’autres enfin sur des alliances (GMF). Et désormais Alan qui investit ce nouveau territoire. Tous entendent aujourd’hui tirer profit des opportunités ouvertes par la réforme.
Un changement de paradigme qui fragilise les mutuelles historiques
Avec le passage à des contrats collectifs à adhésion obligatoire, la refonte de la PSC instaure de nouvelles règles du jeu. Un changement lourd de conséquences en termes de pertes potentielles de volumes d’affaires et de déséquilibres techniques. Un changement qui interroge également le modèle des mutuelles de la Fonction publique, historiquement ancré dans une logique « individuelle ». Et qui appelle de profonds ajustements notamment en termes de conception et de gestion des offres, de pilotage des risques ou encore de modes de distribution. Sans compter des exigences de critères de solvabilité amenées à se renforcer dans le cadre des prochains appels d’offres.
Transformer offres & vente pour réussir la migration vers le collectif
Jusqu’à présent, les mutuelles référencées par une collectivité ne disposaient pas nécessairement d’un réseau de distribution conséquent. Beaucoup s’appuyaient sur la force de la recommandation dans une logique affinitaire. A terme, avec la réforme de la PSC, la distribution des contrats collectifs et individuels pourrait poser des difficultés majeures aux petites structures.
Au-delà de la construction de nouvelles offres collectives – adaptées à la nouvelle réglementation et dans une logique de rentabilité -, il s’agit notamment de mettre en place une stratégie et une organisation pour sécuriser des réponses gagnantes aux appels d’offres en adressant en particulier les points suivants :
- Définir la stratégie de réponse (ciblage, offre) ;
- Faire de la prospection, du lobbying et anticiper le besoin de ces nouveaux clients ;
- Industrialiser les réponses aux appels d’offres.
Les dispositifs commerciaux et relationnels se transforment donc. L’optimisation de ces dispositifs se conjugue sur différents modes : repositionnement et redimensionnement des réseaux physiques, expérimentation de nouveaux concepts portés par les nouvelles technologies, ou encore logiques multicanales en sont autant d’exemples. Les dispositifs des mutuelles s’ouvrent en outre de plus en plus. Le recours au courtage, voire aux courtiers grossistes, gagne chaque année de nouveaux adeptes. Ce canal se révèle incontournable dans la perspective de la refonte de la PSC.
Les acteurs les plus en avance ont anticipé depuis un moment la conduite du changement nécessaire auprès des Directions du développement pour accompagner les forces de ventes dans cette transformation et faciliter la bonne compréhension de ces nouveaux enjeux. Les équipes commerciales doivent s’approprier un nouveau marché, de nouvelles cibles et adapter par conséquent leur stratégie et discours pour répondre aux mieux aux exigences de ces nouvelles cibles. Une conduite du changement qui s’anticipe et qui se structure avec toutes les parties prenantes.
Organiser la gestion pour absorber les pics de charge relatifs à la migration vers le collectif
La PSC aura des impacts importants sur les portefeuilles clients des acteurs présents sur ce marché. Le gain d’un important appel d’offre est susceptible d’entraîner une augmentation importante du nombre d’adhérents et donc de la charge induite correspondante. Un risque important de dégradation de l’expérience client est à craindre si la mutuelle n’a pas mis en place un dispositif performant pour accueillir les nouveaux adhérents arrivant simultanément via les contrats collectifs.
Les centres de gestion devront pouvoir absorber la volumétrie des demandes et des flux entrants avec un enjeu à la fois sur les ressources humaines (dimensionnement et nouveaux recrutements, montée en compétence) mais également sur les processus et les outils pour traiter ce flux supplémentaire dans de bonnes conditions.
Il faudra faire évoluer les processus de gestion pour gérer les contrats obligatoires (Digitalisation, DSN), permettre aux administrations de suivre leur contrat, de réaliser les affiliations et les radiations. De nombreux acteurs ont déjà anticipé ces impacts à travers notamment la remise à plat complète de leurs processus métiers et processus de gestion. Nous sommes convaincus qu’il est nécessaire de refondre l’ensemble des processus afin de proposer une nouvelle gestion fluide tout en rationalisant la productivité des équipes. Cette transformation est nécessaire pour répondre aux enjeux de la PSC et faire face à des volumétries et des exigences très fortes dans le cadre des appels d’offres.
Miser sur l’expérience client comme élément majeur de différenciation de l’offre
L’expérience client et la qualité de la relation client deviennent des éléments clés de différenciation. Pour gagner un appel d’offre auprès d’une collectivité importante, il faudra a minima proposer un portail adhérent permettant aux adhérents de gérer leur contrat, demandes et sinistres en toute autonomie avec par exemple des parcours client digitalisés pour la souscription ainsi que pour la déclaration et gestion d’un sinistre.
La digitalisation offre une opportunité de renforcer la relation client en libérant les équipes de gestion de tâches à faible valeur ajoutée pour se concentrer sur les contacts avec les clients. Elle permettra ainsi de développer le cross-selling et la vente de services dans une logique aussi bien collective qu’individuelle.
Les mutuelles ont bien appréhendé cet enjeu. Certaines ont commencé par ancrer la culture client au cœur des équipes de gestion afin de favoriser une expérience client plus fluide et sans couture. Sortir de la simple tâche pour avoir une vision 360 de l’adhérent constitue une bonne pratique qui fait toute la différence dans la gestion des prestations et un point fort pour les futurs appels d’offre à venir. D’autres privilégient une remise à plat de l’ensemble des parcours clients en travaillant en particulier sur les principaux irritant et points durs et en abordant la construction des parcours cibles (et de leur potentielle digitalisation) dans une logique de co-construction avec l’ensemble des parties prenantes.
Conclusion
Le passage au collectif porté par la réforme modifie en profondeur les règles du jeu. Il implique de la part des opérateurs historiques de s’adapter à un terrain qu’ils ne maîtrisent pas aujourd’hui ou très peu. Les barrières à l’entrée vont se renforcer pour les mutuelles de la Fonction publique historiques de petite et moyenne tailles du fait de leur manque d’expertise du sujet et aussi sous l’effet probable d’un renforcement des critères de solvabilité exigés par les employeurs publics dans le cadre des appels d’offres.