1- Le PER a-t-il gagné la bataille de l’épargne retraite ?
Sur le papier, le PER est indéniablement un succès. Près de 3,5 millions de Français détiennent un PER individuel. Avec des encours qui passent de 1 milliard d’euros à 14 milliards en 2020 et à plus de 40 milliards au 1er juin 2022, le PER individuel s’est fait une place dans les portefeuilles des épargnants.
Mais ce succès reste relatif. Jusqu’en 2021, la croissance des encours provient majoritairement de transferts, même si cette tendance est moins marquée cette année. En 2021, sur 15,4 milliards d’euros de versements sur le PER individuel, la collecte nette s’est établie seulement à 5,6 milliards. Et parallèlement, les contrats d’épargne retraite Article 82, Article 83 et Madelin représentent encore environ 50% des encours de produits retraite.
Surtout, le PER reste un nain face à l’assurance vie, qui affiche près de 1900 milliards d’euros encours à fin 2021. Et l’épargne retraite elle-même reste marginale aujourd’hui sur le marché de l’épargne en France malgré une augmentation de 34% des encours entre 2018 et 2021 et un volume d’encours inférieur à 300 milliards d’euros.
Le PER ne s’est donc pas encore imposé comme LE produit d’épargne retraite en France. Il n’a pas non plus conduit à une généralisation de l’épargne retraite.
2- Un risque de cannibalisation de l’assurance vie ?
D’abord, on peut penser que l’assurance vie endosse en partie en France le rôle d’un produit d’épargne retraite. Par ailleurs, le PER offre aujourd’hui les mêmes possibilités d’investissement que l’assurance vie. Et d’ailleurs, le profil d’allocation est assez similaire entre les deux produits, à l’exception du fonds en euros, avec une forte pondération en OPC actions.
De plus, la loi Pacte visait clairement à dynamiser un compartiment d’épargne retraite grâce à une offre plus lisible. Le risque de cannibalisation était ainsi anticipé, en raison notamment au traitement fiscal du PER très avantageux. Or, pour le moment, le PER conserve une dimension essentiellement patrimoniale, en lien notamment avec son régime fiscal… comme l’assurance vie.
L’évolution vers une structuration du marché en fonction de l’objectif du placement est encore à venir. Le PER permet en effet de mieux segmenter son épargne, avec un véhicule dédié pour la retraite (le PER) et un véhicule dédié aux autres projets (l’assurance vie). Le choix fait dans la loi Pacte de faire de la gestion pilotée le mode de gestion par défaut de l’épargne retraite obéit à cette logique de segmentation.
3- Va-t-on vers un système de retraite hybride ?
Dans le système français de retraite par répartition, la retraite supplémentaire n’occupe qu’une place marginale. La simplification opérée par la loi Pacte devait permettre d’évoluer vers un système hybride, faisant une plus grande place à la capitalisation. Une hybridation pratiquée dans certains autres pays européens et rendue en partie nécessaire par le contexte démographique (vieillissement de la population, baisse du taux de renouvellement des générations, dégradation du rapport cotisants/retraités).
Trois ans plus tard, les résultats restent ambivalents. L’épargne retraite se développe mais reste un marché de niche. La mutation vers un marché de masse permettant d’offrir un véritable complément de retraite au plus grand nombre ne s’est pas opérée. L’épargne retraite est toujours cantonnée à une logique patrimoniale. Elle n’est pas perçue à ce jour comme un mode courant de préparation de la retraite.
L’offre apparaît aujourd’hui trop uniforme. Les produits retraite sont construits comme si l’ensemble des cotisants avaient le même âge au même moment, les mêmes projets et les mêmes plateformes financières. Pour parvenir à un système hybride, qui était probablement l’idée du législateur de la loi Pacte, l’offre devra être enrichie et mieux ciblée pour toucher l’ensemble de la clientèle potentielle. S’ajoute à cet enjeu de véhicule et de ciblage un enjeu de culture en France.
Les contraintes démographiques et financières liées au régime par répartition demeurent et rendent indispensables cette hybridation. La compétition entre PER bancaire et PER assurantiel pourrait contribuer à accélérer le développement de l’épargne retraite
4- PER bancaire vs PER assurantiel : qui sera le gagnant ?
Car c’est l’un des principaux enjeux du PER pour les assureurs. Aujourd’hui, le PER assurantiel domine largement le marché, mais le PER bancaire présente un fort potentiel de développement. Une poussée du PER bancaire est envisageable. Le PER assurantiel a beaucoup bénéficié de l’effet transfert. De leur côté, les banques n’ont pas encore produit leur effort commercial. C’est à partir du 1er janvier 2023 que l’on pourra réellement voir le développement du PER bancaire avec notamment un effort fait par les équipes commerciales pour populariser le produit auprès des clients de la banque.
Rappelons en effet que, jusqu’au 1er janvier 2023, le transfert d’un contrat d’assurance vie de plus de 8 ans vers un PER donne droit au doublement des abattements liés à la maturité fiscale (détention de plus de 8 ans).
Allons-nous basculer vers un modèle à l’américaine ou à l’allemande ? ou bien rester sur un modèle français qui laisserait plus de place à l’assurance ?
Le « match » est serré. Les banques ont l’avantage de manier depuis longtemps des véhicules réunissant des actifs diversifiés. Elles sont identifiées comme les interlocuteurs naturels par les épargnants pour des projets d’investissement à long terme, avec des profils qui peuvent être offensifs, sur le modèle du PEA ou du compte titre. L’assurance est largement cantonnée, on l’a dit déjà, à un modèle patrimonial et essentiellement obligataire.
Le secteur bancaire paraît donc bien placé pour gagner du terrain en matière d’épargne retraite. Cependant, les assureurs ont pris le sujet au sérieux et sont à la manœuvre. De grands chantiers sont en cours pour séduire les épargnants et leur offrir des supports d’épargne retraite adaptés à leurs besoins.
Offre verte, fonds euro, modèles opérationnels
Trois questions se posent en particulier aux assureurs dans cette mutation.
- Le verdissement de l’offre, qui ne suit pas toujours la demande recueillie via les questionnaires destinés à établir le profil de l’épargnant.
- Le fonds en euros, qui ne rapporte plus mais reste présent dans beaucoup de supports. Par quoi sera-t-il remplacé pour dynamiser le PER (SCPI, produits structurés…) ?
- L’évolution des modèles opérationnels car justement, la gestion des nouveaux supports tels que les SCPI ou les produits structurés, reste, chez les assureurs, largement manuelle. C’est moins le cas dans le secteur bancaire. Cette question est clé face à la hausse des encours sur ce type de supports.
5- Le PER, un vecteur idéal pour soutenir l’investissement durable ?
Placement de long terme par excellence, le PER pouvait prétendre être plus vert que les autres placements. La loi Pacte y encourageait en demandant la présence de produits labellisés ISR puis Greenfin et Finansol dans les offres en Unités de compte. SFDR va un cran plus loin dans cette évolution.
Mais finalement, c’est l’offre UC elle-même qui devient plus verte. On n’observe pas de volonté d’investir dans des supports plus durables, en lien avec un horizon de placement de long terme. La mutation en cours vient de l’industrie des fonds, largement sous la pression réglementaire et à la demande des investisseurs institutionnels, plutôt que de l’émergence d’une typologie d’allocation pensée pour une horizon de temps différent de celui de l’assurance vie par exemple. Ainsi on n’observe pas de corrélation entre la dimension « verte » d’un produit et l’horizon de placement. Les briques restent largement interchangeables d’un produit à l’autre.