Communications IFRS 17 : quelles informations disponibles
Les dispositions comptables prévoient un exercice obligatoire de comparaison des comptes de l’année 2022 établis selon la norme IFRS4 (applicable jusqu’à fin 2022) et selon la nouvelle norme. En France, environ une quinzaine de groupes d’assureurs, bancassureurs et filiales de groupes étrangers sont concernés.
La plupart des groupes concernés ont livré de premiers éléments fin 2022. Des publications plus précises commencent à être diffusées, avec mi-avril, la présentation par un assureur français majeur de ses informations financières annuelles 2022 au format des nouvelles normes comptables.
De premières publications hétérogènes
Les analyses des informations partagées par les acteurs concernés laissent présager une possible hétérogénéité des présentations à venir. Les publications de la fin d’année 2022 témoignent de la diversité des réflexions menées par les directions financières sur l’impact des nouvelles normes comptables internationales, sur les informations à présenter et le niveau de détail. Elles reflètent le rodage des acteurs de la place en matière de communication financière en environnement IFRS17.
Jusqu’à fin 2022, la communication IFRS17 des assureurs visait surtout à montrer aux investisseurs l’impact limité de la nouvelle norme sur leurs comptes et leur solidité financière. La plupart des documents publics – rapports financiers ou présentation des résultats 2022 à destination des investisseurs – livraient des informations préliminaires reposant sur des données non encore auditées et sur des estimations susceptibles d’évoluer.
Mi-avril, un seul assureur français – CNP Assurances – avait présenté ses informations financières annuelles 2022 en intégrant IFRS17. Son communiqué livrait pour la première fois des indications plus précises avec :
– d’une part, de nouveaux indicateurs spécifiques à IFRS17 (la CSM – Contractual Service Margin – et les capitaux propres majorés de la CSM nette de minoritaires et d’impôts),
– et d’autre part, l’impact de la norme sur les indicateurs les plus courants (comme le chiffre d’affaires, le ratio de solvabilité, les notations de solidité financière par les agences externes – S&P, Moody’s ou Fitch).
Mi-mai, un deuxième assureur – AXA – a présenté ses résultats opérationnels au format IFRS17 en y indiquant les impacts du changement comptable sur ses 3 lignes d’activités sans mentionner les autres indicateurs.
Les autres assureurs prévoient de présenter leurs informations financières en environnement comptable IFRS17 dans les semaines qui viennent.
Communications IFRS 17 : des informations nouvelles
IFRS17 introduit des changements majeurs comme l’évaluation des passifs d’assurance en valeur de marché et l’introduction de la CSM (Contractual Service Margin ou Marge de Service Contractuelle ie. un « réservoir de profits futurs »). D’une manière générale, dans les publications en date de fin 2022, les informations les plus fréquemment partagées par les assureurs sont les suivantes :
o Comparaison entre les comptes et bilans produits sous IFRS4 et sous IFRS17 et impact de l’application des nouvelles normes comptables sur les comptes et les fonds propres,
o Impact des changements d’hypothèses techniques et financières sur les agrégats des états financiers (P&L, OCI, CSM),
o Contribution à la CSM par zone géographique pour certains groupes internationaux,
o Réconciliation avec les meilleures estimations des engagements et/ou les fonds propres calculés conformément à la réglementation Solvabilité II (SII),
o Narratif sur les options et choix méthodologiques retenus.
En revanche, les publications produites par les assureurs n’évoquent ni les outils comptables ni les outils actuariels en place pour la production des comptes et bilans IFRS17. Ils notent toutefois les points de similitude et de convergence avec SII, laissant entendre une forme de capitalisation des modèles en place pour des besoins réglementaires.
IFRS 17 : quels effets sur les résultats
D’une manière générale, les publications examinées mettent en évidence un impact limité de l’entrée en vigueur d’IFRS 17 sur
- les ratios de solvabilité et la solidité financière,
- le niveau du résultat opérationnel,
- le niveau de fonds propres à la transition (impact de l’annulation des provisions techniques French GAAP vs constatation des provisions IFRS 17). De plus, la valorisation des actifs et des passifs en valeur de marché permet des sensibilités symétriques aux fluctuations des taux d’intérêt, ce qui limite l’impact sur les capitaux propres en IFRS 17.
- les indicateurs d’activité (chiffres d’affaires, ratios S/P des affaires IARD, rentabilité), les fondamentaux (par exemple endettement).
Un effet d’actualisation sur les activités IARD
Avec le passage aux nouvelles normes comptables, les montants des engagements d’assurance IARD diminuent notamment sous l’effet de l’actualisation. Cet effet est compensé par l’apparition du poste de Risk Adjustment (RA). Cela impacte également la composition des engagements IARD (« business mix »). En environnement IFRS17, les résultats des affaires IARD sont plus sensibles aux évolutions des taux d’intérêt (en raison des effets d’actualisation). Certains indicateurs d’activité, comme les ratios S/P, sont affectés, non seulement par ces effets mais également par le traitement différent des cessions en réassurance (calculs bruts de réassurance sous IFRS17 vs nets de réassurance précédemment).
Rôle d’amortisseur de la CSM sur les fonds propres
La Marge d’Assurance (MA) des affaires VFA et BBA / GMM (affaires vie essentiellement) est alimentée par le relâchement de la CSM et le RA selon une quote-part correspondant à la durée des affaires. Ainsi, le niveau de CSM dépend du montant de CSM relâché au cours de l’année pour les affaires en stock, de la création de CSM issue de la production d’affaires nouvelles, des écarts entre les prévisions de flux techniques des affaires en vigueur (primes, prestations, frais et commissions) et des flux effectivement constatés, ainsi que des effets sur la CSM des fluctuations des marchés financiers. Ces derniers génèrent une certaine volatilité du niveau de CSM.
La CSM crée de l’inertie et son relâchement permet une meilleure prédictibilité des résultats. Sous l’effet du rôle d’amortisseur de la CSM, les fonds propres sont moins volatiles sous IFRS17.
En vie, avec le changement de norme comptable, les plus ou moins-values latentes des actifs sous-jacents aux affaires participatives passent des OCI à la CSM.
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Communications IFRS 17 : des choix méthodologiques partagés
En général, dans les documents examinés, les narratifs sur les options et choix méthodologiques retenus comportent des informations sur :
1- L’utilisation des modèles comptables prévus par la norme IFRS17
Les assureurs utilisent les différents modèles comptables possibles. Ils distinguent :
- les affaires d’assurance IARD. Plus de 90% de ces affaires (bien souvent 99%) sont comptabilisées selon le modèle PAA (Premium Allocation Approach), les affaires non comptabilisées en PAA étant des affaires pluriannuelles comptabilisées en BBA / GMM (Building Block Approach / General Measurement Model),
- les affaires d’assurance vie, avec des contrats Epargne-Retraite participatifs (en euros et en unités de compte) comptabilisés selon le modèle VFA (Variable Fee Approach), des contrats Epargne-Retraite en unités de compte sans garantie d’assurance comptabilisés selon la norme IFRS9, des affaires Emprunteurs – Prévoyance individuelles en BBA / GMM et des affaires Prévoyance et Santé court terme en PAA.
A noter toutefois quelques exceptions :
- Un assureur IARD n’applique que le modèle PAA.
- Des bancassureurs (et assimilés) n’appliquent que les modèles PAA et/ou VFA sans utiliser le modèle BBA.
2- L’actualisation des engagements contractés envers les assurés
L’approche bottom-up (c’est-à-dire l’actualisation au taux sans risque majoré d’une prime d’illiquidité) est adoptée par les assureurs de l’échantillon à l’exception d’un seul assureur. La similarité des approches s’explique par le souci de cohérence avec l’approche retenue dans le cadre en place en France pour Solvabilité II.
3- Le calcul du Risk Adjustment (RA ou Marges pour Incertitudes)
Les assureurs français de l’échantillon ont adopté l’approche par quantile pour le quantile du RA. Le quantile retenu oscille entre 62,5% et 85% d’après nos observations. A noter que les groupes appliquant un modèle interne SII retiennent des quantiles moins élevés que ceux qui appliquent la formule standard SII.
4- L’option Other Comprehensive Income (OCI)
Cette option, qui permet de réduire la sensibilité du résultat financier en comptabilité IFRS17, est systématiquement retenue.
Des informations plus rares sur les comptes de transition
S’agissant des comptes de transition, les informations présentes dans les documents publics sont plus rares. Mais lorsqu’elles sont disponibles, elles couvrent :
- Les modèles d’évaluation retenus pour établir le stock de CSM à l’ouverture (Full Retrospective Approach, Modified Retrospective Approach, Fair Value Approach). Ces choix dépendent notamment de la profondeur et de la qualité de l’historique de données et reflètent la nature des portefeuilles d’affaires. Généralement, les assureurs ne précisent pas si c’est Full ou Modified Retro approach.
- Une estimation du stock de CSM des affaires vie (qui sont comptabilisées en VFA et BBA / GMM) et de RA. On observe d’ailleurs que le RA représente en général environ 10% de la CSM.
- Les analyses de mouvement de la CSM des affaires vie pour l’année de transition (c’est-à-dire variations et roll-forward entre le stock de CSM à l’ouverture 2022 et le stock à la clôture 2022) avec notamment la création de CSM par les affaires nouvelles et le montant de CSM relâché sur les affaires en stock.
- Le changement de structure de la composition du passif au passage d’IFRS 4 à IFRS 17.
En revanche, très peu d’assureurs ont communiqué sur la présence de composantes de pertes (Loss Component) dans les comptes de transition. Elles semblent être marginales.
À noter que les groupes de bancassurance avaient déjà appliqué la norme comptable IFRS9 avant 2023 pour la valorisation de leurs actifs bancaires. En revanche, tous (à l’exception d’un) ont choisi de différer au 1er janvier 2023 l’application d’IFRS 9 pour leurs filiales d’assurance.