Toujours fondé sur la base du volontariat, ce deuxième exercice climatique fait suite à celui lancé en 2020 par l’Autorité de Contrôle Prudentielle et de Résolution (ACPR) en vue de sensibiliser les institutions financières aux risques associés au changement climatique, de renforcer leur capacité d’analyse et de gestion de ces risques. Il s’agissait également d’obtenir un premier ordre de grandeur des risques et des vulnérabilités auxquels ces institutions sont exposées.
Depuis ce premier exercice, les outils d’évaluation des conséquences du changement climatique sur le système financier ont évolué et de nouvelles obligations sont entrée en vigueur (sur l’ORSA par exemple). C’est dans ce contexte que l’ACPR a lancé ce nouvel exercice, nouveau maillon de la chaîne ESG/Climat. Ses hypothèses, détaillées ci-dessous, représentent un nouveau point d’ancrage pour les entreprises d’assurance.
Calendrier de l’exercice 2023 de l’ACPR
Les entreprises répondantes ont jusqu’à la fin de l’année pour remettre leurs résultats définitifs. L’ACPR prévoit une remise intermédiaire en novembre.
Exercice climatique ACPR : cadre général
Dans ce nouvel exercice, l’ACPR introduit deux nouveaux scénarios de long terme, un ordonné et un désordonné, mais aussi un scénario de court terme. Plusieurs dimensions sont présentes dans ces scénarios : temporelle, géographique et sectorielle.
Dans les scénarios de long terme, les projections des bilans devront être dynamiques par pas de 5 ans de 2025 à 2050 et devront intégrer les décisions de gestion pertinentes qui s’imposent. Pour répondre au scénario de court terme, les assureurs devront projeter leur bilan de manière statique sur la période 2023-2027. A noter qu’aucune consigne n’est donnée par l’ACPR sur les méthodes de réallocation d’actifs ou d’activité au cours des projections. Cet aspect reste encore à la discrétion des assureurs.
L’ACPR a aussi revu la granularité des projections sectorielles du risque Actions par rapport à l’exercice 2020. Les secteurs jugés les moins sensibles à l’impact de la transition vers une économie bas carbone ont été agrégés tandis que les secteurs jugés les plus sensibles ont été ventilés sur une granularité plus fine qu’en 2020. Pour les évolutions des spreads des obligations et le scénario de court terme, la granularité sectorielle reste la même que l’exercice 2020.
Scénario de référence : changement de scénario pour le risque physique
L’ACPR opère un changement de scénario de référence pour l’étude du risque physique. Le scénario RCP8.5 du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a été abandonné au profit du RCP4.5 plus optimiste et plus cohérent avec les trajectoires de températures des scénarios de transition à long terme qui sont étudiés dans le cadre de cet exercice. Bien que le scénario RCP4.5 présente un impact climatique moins intense, il intègre cependant un nombre de périls plus importants par rapport au précédent (notamment inondation et sécheresse en France comme dans le scénario de court terme).
Sur le risque de transition, contrairement à l’exercice pilote, l’exercice 2023 prend en référence les évolutions projetées du scénario Baseline du National institute of economic and social research (NIESR). Il s’agit d’un scénario fictif où l’économie ne serait exposée ni au risque physique ni au risque de transition, et qui ne donne donc lieu à aucune politique climatique.
Scénario de long terme : transition ordonnée et désordonnée
Dans le cadre des scénarios de long terme, deux scénarios du NGFS phase III ont été retenus : Below 2°C (ordonnée) et Delayed Transition (désordonnée). Les deux scénarios ont la même finalité. Il s’agit de contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C sur l’ensemble du siècle. Mais ils n’ont pas la même temporalité pour la transition.
Les deux scénarios se distinguent sur les volets financiers et économiques. En mesurant la variation par rapport au scénario de référence, ces deux scénarios permettent d’estimer le coût de la transition selon si celle-ci est progressive ou brutale et tardive.
Below 2°C ou Delayed Transition
Ainsi, le scénario Below 2°C prévoit une augmentation progressive du prix du carbone, ce qui aide à réduire les risques physiques et de transition associés au changement climatique. Dans le scénario Delayed Transition, les actions sont plus tardives et désordonnées. On observe alors une brusque augmentation du prix du carbone à partir de 2035. Cela entraîne des risques de transition beaucoup plus élevés.
Dans la continuité d’une meilleure prise en compte du risque physique, ce qui change pour les scénarios de long terme par rapport à l’exercice précédent, c’est la prise en compte de l’effet des risques physiques chroniques dans les projections sectorielles.
Les trajectoires de valeur ajoutée qui résultent de l’application du modèle sectoriel utilisé et pour certains secteurs significatifs sont présentées ci-dessous. Ces impacts correspondent à l’effet cumulé du risque physique chronique et du risque de transition en comparaison avec le scénario de référence.
Risques physiques
Les risques physiques considérés au passif restent les mêmes qu’en 2020 : dommages aux biens et automobile ainsi que santé et prévoyance. La principale différence avec l’exercice pilote est l’intégration du risque de pandémie vectorielle et de maladies respiratoires. Ils introduisent également une dimension nouvelle, le risque d’inassurabilité.
La carte ci-dessus présente le seuil de résiliation pour tout type de bien en France selon les régions. Plus le risque de sinistre est important, plus le seuil de résiliation est haut. La variable retenue par l’ACPR pour calculer ce seuil étant :
Seuil de résiliation = Prime dommages/Valeur assurée totale.
Introduction d’un scénario de court terme
Le scénario de court terme, dont l’horizon s’étend sur cinq ans de 2023 à 2027, se divise en deux phases :
- La première phase repose sur une succession chronologique de périls physiques aigus. De 2023 à 2024, un péril sécheresse et des vagues de chaleur intense, suivis début 2025 d’un péril inondation extrême localisé entraînant une rupture de barrage. Ces risques viendront choquer le passif avec des impacts vie et non-vie.
- La seconde phase (répercussion des chocs physiques à l’actif) s’articule autour d’un risque de marché du deuxième trimestre 2025 au quatrième trimestre 2027. Le scénario estime que les chocs physiques extrêmes permettent au marché de prendre conscience que les politiques de transition sont inévitables et entraînent un ajustement spontané des prix, touchant particulièrement les actifs des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre.
Les trajectoires de profits, de PIB et d’inflation, ainsi que les spreads de crédit entreprise, dévient du scénario de référence – scénario Baseline à horizon 5 ans – à partir du deuxième trimestre 2025.
Les motivations de l’introduction de ce scénario étaient doubles :
- permettre aux assureurs de proposer un scénario compatible avec leur horizon de planification stratégique ;
- avoir une première estimation des conséquences du risque climatique sur leur solvabilité.
Exercice climatique ACPR : quels reportings ?
Systématiquement, les entreprises devront remettre les éléments suivants par pas de 5 ans (similaire au précédent exercice) :
- Bilan
- Liste des actifs
- Résultat Technique Vie et Non-Vie
- Le poste CAT NAT est simplifié
En supplément, pour les scénarios de long terme :
- Santé Maladie Vectorielle (détails sur les primes, prestations et nombre d’assurés)
- Santé Pollution (pareil que pour Maladie Vectorielle)
En supplément, pour les scénarios de court terme :
- Solvabilité (Fonds propres, SCR – MCR, détails du capital de solvabilité)
- Santé Barrage-Sécheresse (pareil que pour Maladie Vectorielle)
Conclusion
Dans le cadre du renouvellement de l’exercice climatique, l’ACPR a fait le choix fort d’articuler son nouvel exercice autour d’une trajectoire climatique unique plus optimiste et limitant l’augmentation de la température mondiale de 2°C. En parallèle, l’exercice renforce la pluralité des risques et des interactions actif-passif possibles sur différents horizons de temps et surtout en intégrant pour le court terme une projection de l’exigence de capital réglementaire.
Compte tenu de l’incertitude autour du changement climatique, il reste néanmoins prudent de considérer d’autres alternatives. C’est d’ailleurs ce que recommande l’EIOPA. Le régulateur européen souligne l’importance de considérer au moins deux trajectoires de forçage radiatif. Soit une trajectoire conforme à l’exercice climatique et l’autre plus pessimiste pour tenir compte au mieux de l’incertitude entourant l’évolution du climat et de ses conséquences.