Catastrophes naturelles : une sinistralité record en 2022
Promulguée le 28 décembre 2021, la réforme du régime CatNat rentre peu à peu en application. Celle-ci est d’autant plus attendue que la sinistralité climatique a été forte en 2022, coûtant un total de 10,6 milliards d’euros et marquée par :
- la grêle, qui a touché une commune sur deux,
- la sécheresse, au travers notamment du phénomène de RGA (Retrait Gonflement des Argiles)
Ces deux phénomènes ont coûté à eux seuls 2,9 milliards d’euros.
Les assurés constatent également le changement climatique. Selon un sondage ELABE – France Assureurs de mai 2023, les Français se sentent vulnérables à 73 % face au risque climatique. Ils considèrent à 92 % que les assureurs ont un rôle important à jouer face aux risques de catastrophes naturelles.
Pour les assureurs, le défi de la hausse de la sinistralité est couplé à une reprise de l’inflation depuis maintenant 2 ans, liée à la fois à la politique Zéro Covid chinoise et plus récemment à la guerre en Ukraine.
Face à une sinistralité inédite en 2022, la réponse vient à la fois des assureurs et des pouvoirs publics. Revue des travaux et des annonces en cours.
Régime catnat : une réforme déjà insuffisante
Depuis sa création en 1982, le régime des catastrophes naturelles a été plusieurs fois adapté. Dernière réforme en date, la loi du 28 décembre 2021 franchit une nouvelle étape avec deux objectifs : faciliter les démarches de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et accélérer l’indemnisation des victimes.
Plus précisément, la réforme s’articule autour des points suivants :
- Faciliter les démarches de reconnaissance de catastrophe naturelle,
- Améliorer et accélérer l’indemnisation des victimes,
- Renforcer la transparence des procédures,
- Prendre davantage en considération les mesures liées au risque sécheresse – réhydratation des sols.
Les mesures entrent en vigueur progressivement, principalement à partir du 1er janvier 2023.
- A partir du 28 décembre 2021, le délai de prescription est allongé à 5 ans pour les risques sécheresse, contre 2 ans auparavant.
- A compter du 1er janvier 2023, en cas de refus de souscription en raison de l’importance du risque de catastrophes naturelles, l’assureur est contraint de conserver le risque si l’assuré saisit le Bureau Central de Tarification. Dans le régime antérieur, un refus de souscription pour l’importance des risques catastrophes naturelles n’était pas un motif de saisie de ce bureau.
- Au 1er janvier 2023, les délais d’indemnisation sont abaissés. L’assureur dispose désormais de
- 1 mois après la déclaration de sinistre pour lancer l’expertise ou informer des modalités de mise en jeu des garanties ;
- 1 mois après réception du rapport pour faire une proposition d’indemnisation à l’assuré ;
- 1 mois après accord de l’assuré pour missionner une entreprise de réparation ou 21 jours pour verser l’indemnisation ;
- 2 mois après la date de remise de l’état estimatif des dommages pour verser une provision sur indemnités.
Auparavant, l’assureur disposait de 3 mois pour verser l’indemnité.
- A partir du 1er janvier 2023, le délai de déclaration de sinistre après la publication de l’arrêté de reconnaissance de l’était de catastrophe naturelle est allongé à 30 jours, contre 10 jours auparavant.
- A compter du 1er janvier 2023, l’assureur doit communiquer le rapport d’expertise à l’assuré dans un sinistre catastrophes naturelles. Dans le cas d’un sinistre sécheresse, un compte rendu des constatations doit être adressé à chaque visite. Dans le régime antérieur, cette transmission n’était pas obligatoire.
- Alors que les frais de relogement n’étaient pas gérés par le régime catastrophes naturelles, la réforme impose, à compter du 1er janvier 2024, la prise en compte des frais de relogement (Focus MRH) et l’ajout des frais d’architecte et de maîtrise d’œuvre.
Pour les contrats d’assurance en cours, les changements ne s’appliqueront qu’à échéance.
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Phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA)
S’il s’agit d’une avancée pour les assurés, la réforme présente également certaines limites.
- L’émergence rapide ces dernières années du risque de subsidence n’est ainsi que peu pris en compte. Il peut pourtant causer des dommages importants aux bâtiments. Le phénomène de subsidence, aussi appelé retrait-gonflement des argiles, est lié aux variations du volume d’eau contenu dans les sols. En période de sécheresse, les sols se rétractent, ce qui provoque des mouvements de terrain et affaiblit fortement les bâtiments. L’accélération de ce risque se retrouve dans le tableau suivant, qui recense les principaux sinistres sécheresse en France. Il en ressort que l’année 2022 établit un nouveau record, juste devant les années 2003 et 2018.
Principaux sinistres sécheresse en France
Nombre de maisons individuelles exposées au RGA moyen ou fort en France
Source : BRGM, 2019 ; Fideli, 2017, Traitements : SDES,2021
- Par ailleurs, des experts de CCR ont souligné que cette sinistralité à la hausse ces dernières années ainsi que l’inflation nécessitent des « mesures d’adaptation ». En effet, le régime de financement du dispositif CatNat pourrait faire face à un déficit de 420 millions d’euros par an à horizon 2050, selon les calculs dévoilés dans son récent rapport « Les catastrophes naturelles en France – Bilan 1982-2021 ».
Face à ces menaces qui pèsent sur le régime des catastrophes naturlles, pouvoirs publics et assureurs ne restent pas inactifs.
Catastrophes naturelles : une initiative parlementaire sur le RGA
Le 22 mars 2023, les députées Sandrine Rousseau (Groupe Ecologiste – Nupes) et Sandra Marsaud (groupe Renaissance) ont présenté un rapport d’information sur l’évaluation de la prise en compte du retrait-gonflement des argiles. Ce rapport formule toute une série de propositions en vue d’améliorer le processus d’indemnisation et de déclaration des sinistres liés à la sécheresse. Il a donné lieu à une proposition de loi, votée en première lecture par l’Assemblée nationale le 6 avril.
Ce texte propose notamment l’assouplissement des critères de reconnaissance de l’état de catastrophes naturelles (communes limitrophes par exemple), l’obligation pour les assureurs d’analyser les sols, la prise en charge des frais de contre-expertise, la responsabilité des acteurs impliqués dans la gestion des sinistres, la création de labels pour les experts et les entreprises du bâtiment, et la recherche de nouvelles sources de financement pour le régime Cat Nat.
Cette proposition de loi doit encore être examinée par le Sénat. A ce jour, il n’est pas inscrit au calendrier des débats.
Régime des catastrophes naturelles : de nouvelles pistes de réforme attendues
En parallèle, le gouvernement a lancé une mission sur l’assurabilité des risques climatiques. Cette mission, pilotée par la direction générale du Trésor et la Caisse centrale de Réassurance (CCR), associe également les assureurs et réassureurs ainsi que des organismes de recherche, des élus et des représentants de la société civile. Elle doit formuler, d’ici à fin 2023, des recommandations en vue de renforcer les moyens d’action et de prévention en la matière.
Les réflexions s’engagent autour de trois axes : la soutenabilité du dispositif français d’indemnisation des catastrophes naturelles, le renforcement du rôle des assureurs dans le financement de la prévention et de l’adaptation au changement climatique et enfin la contribution du cadre prudentiel et de la politique de souscription des assureurs.
Les assureurs misent sur la prévention
Côté assureurs, les initiatives favorisent le renforcement de la prévention. Par exemple, pour anticiper les risques de catastrophes naturelles et diminuer la sinistralité, Covéa utilise des données sur les zones inondables pour envoyer des SMS d’alerte aux assurés en cas de risque de crue. Des initiatives ont également été prises relatives aux aléas grêle, tempête, orages et sécheresse.
En conclusion, la réforme du régime CatNat est une étape essentielle pour faire face aux défis posés par le changement climatique. L’année 2022 et ses sinistres ont montré l’urgence quant au renforcement des politiques de prévention, gestion et réparation des dommages causés par les catastrophes naturelles. Pour autant, celle-ci n’est pas suffisante en l’état et devra être suivie d’une nouvelle réforme pour faire face à des risques liés à la sécheresse. Des initiatives liant assureurs et pouvoirs publics permettront également de mieux appréhender et contenir ce risque, aussi bien pour les assureurs que pour les assurés. Ces travaux ont eu des impacts récents : ainsi coté régulateurs, depuis le 2 août 2022, les assureurs sont tenus de prendre en compte le risque de durabilité dans leurs calculs Orsa.