Cette analyse est réalisée en collaboration avec CGRM, filiale du cabinet de courtage SPVIE Assurances, à partir de données anonymisées. Elle porte sur la consommation de 323 720 bénéficiaires, observée entre janvier 2019 et décembre 2020.
La réforme du 100% santé, c’est quoi ?
Pour les soins dentaires, les paniers « 100% santé » et « Reste à charge modéré » sont accessibles depuis janvier 2020. Il en va de même pour le panier « 100% santé » optique. Quant à l’audiologie, ce panier est commercialisé depuis le 1er janvier 2021.
La mise en place de ces paniers s’est faite sur trois axes :
- Plafonnement des prix de certains équipements
- Obligation de remboursement à 100% pour les organismes d’assurance complémentaires
- Augmentation des remboursements de la sécurité sociale.
Calendrier de la réforme 100% santé
Ce premier bilan constitue un point d’étape : l’effet complet de la réforme ne sera mesurable qu’en 2024.
Nous avons concentré notre analyse principalement sur les tarifs et la répartition du financement entre les différents intervenants. Pour cette analyse, nous avons mis de côté l’évolution de la fréquence de consommation dont les variations s’expliquent par le 100% santé mais aussi par la pandémie de Covid-19 qui a bouleversé les comportements des Français.
En effet, en raison de la pandémie de Covid-19, nous observons sur le portefeuille étudié une baisse de 6% des dépenses de santé.
Réforme 100% santé : impact sur l’activité dentaire
C’est dans le domaine dentaire que la réforme est d’abord entrée en vigueur. Depuis avril 2019, les dentistes conventionnés doivent respecter un tarif maximum pour certaines prothèses dentaires. D’ici à 2023, c’est l’ensemble des prothèses (fixes et amovibles) qui seront concernées. En parallèle, le tarif des soins dentaires est revu à la hausse de manière significative.
Depuis le 1er janvier 2020, les organismes complémentaires ont dû rembourser sans reste à charge les prothèses éligibles au « panier 100% santé ».
Sur l’ensemble des dépenses de soins dentaires (hors orthodontie), on observe une hausse de 2% du montant moyen par acte, mais une baisse de 16% du reste à charge pour l’assuré. Cela répond à l’un des principaux objectifs de cette réforme.
Les montants à charge de l’assurance maladie obligatoire et de l’assurance maladie complémentaire augmentent légèrement.
Une hausse du prix moyen de 2% entre le T1 2019 et 2020 qui bénéficie aux assurés dont le reste à charge baisse de 16% (en supposant la répartition des actes constantes par grandes catégories)
Des évolutions très différentes en fonction des mesures sous-jacentes
La hausse du prix moyen sur l’ensemble des actes en 2020 (Graphe ci-dessus) s’explique par la revalorisation des soins conservateurs. En effet par catégories de soins, les évolutions sont très différentes en fonction des modifications sous-jacentes.
Entre 2020 et le premier trimestre 2019, on constate une hausse de 35% du prix moyen des soins conservateurs, sans impact pour les assurés car ces soins sont remboursés à 100%. Cette augmentation s’explique par la revalorisation progressive des tarifs conventionnels, entamée début 2019 et que doivent respecter dentistes conventionnés.
Sous l’effet des prix limites de ventes, le montant moyen des prothèses fixes et les inlay-core diminuent respectivement de 3% et 28%. En revanche, pour les prothèses amovibles, qui ne seront sous contrainte qu’à partir de 2022, le prix moyen augmente de 18%. Ce point devra être revu début 2023.
Pour les prothèses fixes, la diminution du reste à charge ressort à 36%. La réforme a donc bien produit ses effets. Les montants remboursés sont quasi stables, ce qui signifie que l’effort a effectivement porté sur les dentistes.
Pour les inlay-core, la contrainte à la baisse est encore plus significative, sous le double effet de la mise en place d’un prix limite de vente et de la réduction de la base de remboursement du régime obligatoire.
A horizon 2023 nous estimons que les prix moyens devraient augmenter de 1,2% mais sans augmentation du reste à charge pour les assurés qui, lui, devrait baisser de 4%.
En matière dentaire, l’objectif de diminuer le coût des soins restant à charge pour l’assuré est atteint. Cette réduction du reste à charge est financée à la fois par la Sécurité sociale et par l’assurance maladie complémentaire.
Grâce à l’augmentation du tarif des soins prévue parallèlement par la réforme, les dentistes ne devraient pas voir leur rémunération baisser. Ils seront certainement attentifs au maintien de ces augmentations, alors qu’une clause de revoyure est prévue à ce sujet.
Impact du dispositif 100% santé sur les inégalités territoriales de tarifs
La réforme avait aussi pour objectif de réduire les inégalités de tarifs à travers la France et d’améliorer la qualité de soins.
Pour ce qui est de la qualité des soins, il est difficile de tirer une conclusion sur la base de données chiffrées. Cependant, on constate que la part des matériaux métalliques utilisés pour les prothèses dentaires est passée de 18% à 14%. La tendance est donc plutôt favorable.
En matière de pratiques tarifaires, la prothèse dentaire non métallique est un bon indicateur des divergences sur le territoire puisque c’était le principal acte dentaire à tarif libre, jusqu’en avril 2019, et remboursé par la Sécurité sociale.
On constate que les tarifs se sont resserrés, d’une part sous l’effet d’une baisse dans les régions les plus chères (IDF, Normandie) et d’autre part, par un rattrapage de certaines régions dont le tarif moyen était inférieur au prix limites de ventes.
Réforme du 100% santé : impact sur l’activité optique
Les mesures 100% santé pour l’optique sont entrées en vigueur au 1er janvier 2020. La réforme crée un panier 100% santé, incluant des équipements dont les prix sont encadrés et pour lesquels les assureurs complémentaires doivent prendre en charge l’intégralité de la dépense non remboursée par la Sécurité sociale.
Les équipements qui ne sont pas vendus dans le cadre de ce dispositif ne sont pas soumis à une limite de prix. En revanche, l’assureur complémentaire ne peut pas rembourser plus de 100€ (150 € avant le 1er janvier 2021) pour une monture et le remboursement de la sécurité sociale est quasi nul.
Une baisse globale du prix moyen de 3,2% mais une augmentation du reste à charge
Dans le domaine de l’optique, la réforme n’a pas atteint son objectif : le reste à charge pour l’assuré augmente de 25%. La hausse atteint 44% sur les montures, du fait du plafonnement, à 100 €, du montant remboursé par l’assureur complémentaire. Le remboursement moyen de l’assureur complémentaire diminue ainsi de 22%.
On constate également une progression du reste à charge sur les verres, qui s’explique par la baisse du remboursement de la Sécurité sociale.
Un chiffre éclaire ces évolutions : la part des équipements vendus sous le dispositif 100% santé atteint seulement 3%. Il apparaît clairement que ces équipements ne sont pas poussés par les opticiens et que les assurés préfèrent un équipement plus « haut de gamme » dont une partie est financée par l’assureur complémentaire.
D’un point de vue géographique, les écarts entre régions sont moins marqués qu’en dentaire. Les écarts de prix entre les régions sont en partie expliqué par l’âge moyen des bénéficiaires.
Réforme 100% santé : impact sur l’activité audiologie
Concernant l’audiologie, les mesures du 100% santé ont démarré en 2019 avec le plafonnement du prix des équipements de classe A, à hauteur de 1300€. Ce plafond s’élève à 1100€ au 1er janvier 2020 et à 950€ au 1er janvier 2021. Dans le même temps, la base de remboursement de la Sécurité sociale est passée de 300 € en 2018 à 400 € en 2021.
C’est seulement depuis le 1er janvier 2021 que les assureurs doivent rembourser l’intégralité de la dépense non prise en charge par la Sécurité sociale pour les équipements de classe A.
Comme pour l’optique, la part des équipements vendus en classe A reste marginale (5%). Le plafonnement des prix n’a donc pas d’effet sur le prix moyen. On note malgré tout une baisse de 16% du reste à charge pour l’assuré, grâce à l’augmentation du tarif de base de la Sécurité sociale.
Il sera intéressant de faire le même bilan fin 2021 car la possibilité de disposer d’un équipement sans reste à charge devrait faire évoluer les choix des assurés.
Nous ne disposons pas de données suffisantes par Région pour faire une analyse territoriale.
Conclusion
A mi-parcours les résultats de la réforme sont contrastés :
- En dentaire, le reste à charge des assurés baisse significativement sur les prothèses, conformément à l’un des objectifs principaux de la réforme. Les efforts financiers réalisés par les dentistes sur les prothèses sont compensés par la hausse des tarifs des soins.
- A l’opposé, en optique, les résultats sont décevants. Le remboursement sans reste à charge des équipements « 100% santé » et la baisse du remboursement maximum de la monture pour les autres n’ont pas modifié les choix des consommateurs ni les conseils des opticiens. En conséquence, les assurés sont perdants puisque leur reste à charge augmente de 40% par monture.
- Pour l’audiologie, la situation est relativement stable en attendant de voir si le choix des consommateurs évolue significativement à compter de 2021. Dans ce domaine, on peut s’attendre à une hausse des fréquences de consommation, impulsée par l’accès à un équipement 100% remboursé.
- L’impact de cette réforme sur l’ensemble des soins (pharmacie, médecine…) est peu significatif car les mesures optiques et dentaires se compensent. En fonction de la gamme du contrat d’assurance et de l’âge des bénéficiaires, les résultats pourront être sensiblement différents.