Introduction
La norme IFRS 17, qui a pour principal objectif d’homogénéiser les méthodes de comptabilisation des contrats d’assurance, apporte également des modifications sur le traitement des frais généraux. Elle introduit la notion de frais rattachables et non rattachables au contrat, en substitution des 5 destinations existant en normes French GAAP.
Cette nouvelle répartition des frais généraux revêt un enjeu stratégique car des frais plus largement rattachables à un contrat rendront celui-ci plus onéreux. Il est donc important d’avoir une vision claire de la méthode de répartition à adopter pour ventiler au mieux les frais rattachables au contrat.
SeaBird, au travers des constats réalisés par les consultants en mission, présente les deux tendances observées sur le marché quant à la répartition des frais rattachables au contrat.
Quels changements apportés par IFRS17 sur la répartition des frais généraux ?
Le traitement des Frais généraux en assurance revêt un caractère particulier, propre à ce secteur. Les normes comptables françaises imposent, en sus de la comptabilisation dans les comptes de classe 9, une répartition des frais généraux en 5 destinations :
Ce système de répartition, dont la mise en place est parfois laborieuse, est néanmoins maîtrisé par les assureurs.
Sous IFRS 17, les 5 destinations édictées par les normes françaises laissent place à deux catégories de frais généraux : les frais rattachables au contrat et ceux non rattachables au contrat.
1. Les frais rattachables au contrat
Selon IFRS 17, il convient d’identifier les frais directement rattachables (ou attribuables) aux contrats d’assurance. Ces frais directement attribuables seront inclus dans les projections de flux futurs (BE) et sont essentiels à leur évaluation. Ils sont enregistrés en charges mais compensés par la reprise du passif correspondant.
Exemple : les frais liés à l’acquisition, taxes transactionnelles (CVAE), les frais d’administration des polices d’assurance, les frais de gestion des sinistres, les frais indirects (frais généraux fixes ou variables : notion de clés d’attribuabilité)…
2. Les frais non rattachables
Les frais non rattachables aux contrats ne sont pas inclus dans les projections de flux futurs et sont donc comptabilisés en résultat sans avoir de compensation par un relâchement du passif.
Exemple : les flux de trésorerie non directement attribuables (frais de développement de produits, formations), les frais indirects (frais généraux fixes ou variables : notion de clés d’attribuabilité), les frais exceptionnels…
La norme IFRS17 laisse une certaine liberté aux assureurs quant à la notion de « rattachable ». Cependant, il est important de souligner l’enjeu inhérent à cette notion. Plus les frais rattachables aux contrats seront importants, plus les flux de trésorerie projetés le seront également. Cette augmentation mécanique se reflètera donc dans le best estimate des flux futurs de trésorerie (source : http://www.ressources-actuarielles.net/EXT/ISFA/1226-02.nsf/0/99f61c2dc2d88fd2c125854b006e09e0/$FILE/MEMOIRE%20ACTUARIAT.pdf; page 17).
Le caractère stratégique des frais rattachables résulte également de leur impact sur la rentabilité des contrats car plus ils seront importants, plus le contrat sera onéreux et donc moins rentable.
Le principal changement induit par la norme IFRS 17 sur les frais généraux est donc le remplacement des 5 destinations par deux catégories.
La réduction du nombre de destinations pourrait ressembler à un allègement apporté par la norme IFRS17 mais ce n’est pas vraiment le cas. Elle pose une difficulté car il s’agira de mettre en place une méthode de répartition dont les résultats seront cohérents avec ceux des normes françaises, tout en réfléchissant aux impacts dans le compte de résultat, et tout cela en évitant d’aller dans la complexité. Deux tendances se dessinent pour résoudre cette difficulté :
- Tendance 1 : la méthode IFRS17 = French
- Tendance 2 : la méthode IFRS17 ≠ French
Tendance 1 : la méthode IFRS17 = French
L’une des solutions adoptées par les Assureurs pour le traitement des frais généraux est de ne maintenir qu’un seul jeu de clés de ventilation. L’avantage : cela évite d’ajouter de la complexité. Ainsi, après la répartition selon les normes françaises et l’obtention des 5 destinations, celles-ci sont directement considérées comme étant rattachables ou non au contrat, selon la logique suivante :
Cette méthode est donc relativement simple à mettre en œuvre car elle s’imbrique parfaitement dans le socle apporté par les normes French GAAP.
Elle est également plus adaptée aux assureurs disposant d’effectifs limités. En effet, un seul jeu de clés est nécessaire pour obtenir la répartition en normes françaises et celle sous IFRS17, permettant ainsi d’optimiser les ressources humaines et financières dédiées.
Elle peut néanmoins être challengée par les commissaires aux comptes car elle ne remet pas en question la répartition de certains centres de coûts comme les fonctions support.
Tendance 2 : la méthode IFRS17 ≠ French
Certains assureurs ont fait le choix d’une analyse différente des frais généraux entre French GAAP et IFRS.
Ainsi ces dernières reprennent l’analyse au point de départ de leur base de coûts (classe 9) et effectuent une analyse en entonnoir en redéfinissant le caractère attribuable/non attribuable (analyse par nature de charge puis par centre de coûts puis par projets/activités).
Les activités relevant à 100% du métier d’assurance sont considérées comme attribuables. Certaines dépenses, telles que les commissions de gestion, les frais d’affranchissement ou les frais financiers, deviennent ainsi directement rattachables.
D’autres activités plus hybrides doivent faire l’objet d’une analyse plus poussée par centre de coûts, codes projets ou activités, fournisseurs ou ligne de frais. Il s’agit notamment des fonctions supports qui se répartissent à la fois entre des activités directement liées à l’assurance et d’autres qui le sont indirectement (comptabilité technique et générale, contrôle de gestion technique et frais généraux…).
Un traitement particulier est également appliqué à certains honoraires :
- Les honoraires engagés pour la mise en place d’IFRS17 ne sont pas attribuables car s’agissant de frais exceptionnels, comme définis par la norme.
- Les honoraires engagés par la comptabilité des placements, quant à eux, vont être considérés comme attribuables.
Pour les frais de personnel, l’analyse est complexe et devra être approfondie : tout ce qui relève des fonctions supports sera réparti selon une clé alors que les frais engagés par la Direction des placements, par exemple, seront considérés comme attribuables au contrat.
Une attention particulière devra également être portée aux dépenses informatiques afin de savoir comment répartir celles liées à une activité en lien avec l’exécution du contrat, le développement de nouveaux systèmes liés à des contrats futurs…
En outre, certaines taxes comme la C3S font encore l’objet de débats quant à leur caractère attribuable ou non.
De manière générale, seront définis comme non attribuables tous les frais liés à des dépenses non directement rattachables à l’activité d’assurance et au portefeuille de contrats ou exceptionnels.
De même, tout événement à caractère exceptionnel survenu durant l’exercice ne peut être considéré comme attribuable au contrat.
Ainsi, toutes les lignes de frais feront l’objet de ce processus en entonnoir afin de reconstituer un nouveau périmètre de frais rattachables/non rattachables.
Cette méthode peut être adaptée aux assureurs qui ont un système de répartition des frais généraux maîtrisé.
Toutefois, bien qu’elle puisse paraître plus pertinente, notamment en raison de la re-ventilation des fonctions supports, elle est aussi chronophage, coûteuse et présente des risques opérationnels (clôtures et analyses plus lourdes, surcharge des équipes…).
La justification auprès des commissaires aux comptes des écarts entre cette méthode et la répartition en French GAAP doit également être suffisamment documentée. Exemple : comment justifier que la participation versée aux salariés soit une dépense non rattachable au contrat (car exceptionnelle) alors qu’elle est versée en partie à des collaborateurs dont l’activité est directement liée à l’assurance ?
Conclusion
Il semble clair que la première méthode (IFRS17 = French) est plus facile à mettre en œuvre en raison de sa simplicité et des opportunités de pérennisation. Cependant, la question de l’exactitude de la répartition se pose car le passage en vision IFRS 17 se fait sans rentrer dans le détail des natures de charges et centres de coûts, ce qui pourrait remettre en question le résultat obtenu. Il s’agit d’une méthode qui ne challenge pas la ventilation des fonctions support par exemple, ou des charges imputées aux frais d’acquisition.
La 2ème méthode, quant à elle, présente de nombreuses contraintes. Chronophage et nécessitant une reprise à zéro de l’analyse, elle peut être complexe car elle impose de maintenir deux jeux de clés et peut être plus difficile à justifier auprès des commissaires aux comptes. Néanmoins, lorsqu’elle est maîtrisée, elle permet d’effectuer une répartition au plus juste et de piloter au mieux les frais rattachables au contrat.
Il est difficile à ce stade de donner un avis tranché sur la méthode à choisir. Chacune de ces méthodes présente des avantages et des points d’attention et le choix devra être fait en fonction de la taille de l’assureur et des moyens humains qu’il souhaite allouer à la répartition des frais généraux sous IFRS17.
Toutefois, il sera important mettre à profit la période de transition avant l’entrée en vigueur de la norme en 2023 afin de tester les méthodes existantes et de déterminer celle qui sera le plus adaptée à la structure de chaque assureur.