Parmi les évolutions comptables que doivent intégrer les assureurs, la nouvelle norme IFRS 9, qui porte sur la partie Actif, ne pose pas de problème de calendrier particulier. En revanche, côté Passif, la norme IFRS 17 a des implications majeures sur les travaux de clôture, avec la nécessité d’intégrer un process équivalent à Solvabilité 2 pouvant aller jusqu’à 4 semaines, dans un planning beaucoup plus contraint (J+20 pour S2, généralement entre J+1 et J+15 pour les remontées IFRS).
Téléchargez le guide « IFRS 9, Défier les contraintes »
En vue de la mise en production de la norme à partir du 1er trimestre 2023, les travaux se sont concentrés en priorité sur les choix normatifs et les dry runs ou « tirs à blanc ». Mais qu’en est-il de la production de ces chiffres dans les conditions du réel ?
Au travers de leurs expériences vécues sur le terrain, les consultants de SeaBird ont identifié les questions indispensables à se poser et à trancher pour prendre les actions nécessaires au déploiement opérationnel du process IFRS avant la date fatidique de 2023.
1/ Fast Close et IFRS 17 : quelles synergies avec Solvabilité 2 ?
La directive européenne Solvabilité 2 et IFRS 17 partagent la même philosophie : une estimation des flux futurs sur la durée résiduelle des contrats, actualisés à l’aide d’une courbe de taux sans risque. Mais les comptes IFRS doivent être produits avant les comptes S2. Dès lors, comment utiliser l’un comme input de l’autre, afin de limiter une double charge de calcul ?
Plusieurs scénarios sont envisageables :
Premier scénario : utiliser les Best Estimates S2 et les ramener à la granularité attendue par IFRS 17 (par cohorte). Ce choix implique de faire tourner les modèles S2 très en amont du process. De plus le passage de S2 vers IFRS 17 est complexe, car il serait nécessaire de relancer des calculs pour chaque cohorte.
Deuxième option : commencer à la maille IFRS 17, soit la maille la plus fine, puis agréger les données pour retrouver la maille S2. Si cette solution a l’avantage de limiter la charge de modèle, les hypothèses prises sur IFRS ne seront pas forcément compatibles avec l’attendu S2 et une étude d’impact doit être menée avant de lancer les travaux.
Troisième option : organiser les deux process en parallèle. Le prérequis sera de disposer d’un outil sachant gérer le multinorme.
Consultez le guide « IFRS 17, l’essentiel à comprendre »
Au-delà des problématiques de granularité, la question de la courbe de taux disponible à date de projection doit aussi être posée, encore une fois plusieurs choix sont possibles : utiliser une courbe de taux anticipée, ou une courbe anticipée puis projetée à date de clôture. Les impacts dus au décalage avec S2 d’une part, avec la valorisation des actifs en IFRS 9 d’autre part, devront être évalués.
Il est important de rappeler que l’option OCI existe dans la norme pour neutraliser les effets de changement de courbe taux dans le résultat financier.
Dans tous les cas de figure, un renforcement des équipes actuarielles est à prévoir, que ce soit dans un scénario séquentiel car la durée de travail sera allongée, ou en process parallèle. Dans ce dernier cas, la charge de travail sera alors démultipliée sur un laps de temps équivalent.
2/ Adapter le fast close : quel temps nécessaire à la production des comptes IFRS 17 ?
IFRS 17, tout comme S2, implique de lancer des calculs de model points pour estimer les flux relatifs aux services futurs, aussi appelés « best estimates ».
La fin de cette phase dure généralement autour de 4 semaines. Elle doit ainsi être revue pour un objectif à fin M-1 (fin décembre en clôture annuelle), de manière laisser du temps pour l’analyse, les ajustements, et la production des reportings consolidés.
Rétrospectivement, les données en input devront donc être intégrées dans les modèles un mois plus tôt par rapport aux process actuels.
Point d’attention : la date de « cut-off » comptable en social est souvent trop tardive par rapport aux besoins d’input dans les modèles. La question doit se poser soit d’anticiper cette date, soit de définir une piste d’audit pour réconcilier la vision sociale et la vision IFRS.
3/ Adapter le Fast close : quel impact sur les données en input des modèles IFRS 17 ?
Les données en entrée de modèles se composent des flux réels (primes, prestations, frais…), complétés par les estimations faites par l’équipe actuarielle pour le fast close.
Si ces inputs doivent être fournis un mois plus tôt, plusieurs critères sont à évaluer :
- La date de mise à disposition des données réelles : le temps nécessaire pour produire ces informations peut être optimisé en travaillant sur l’efficacité de la redescente d’information des SI de gestion. Cette efficacité passe à la fois par la capacité à réaliser les rapprochements comptables et par l’évaluation et l’arbitrage éventuel des périmètres « tardifs », en fonction de leur matérialité par exemple.
- Le temps nécessaire à l’actuariat pour réaliser l’estimation des données sur une période beaucoup plus courte, ce qui pourrait impliquer une revue des méthodologies d’estimations.
- La date de cut-off comptable : si cette date est différente de la date d’input des données dans les modèles de projection, alors un réajustement des provisions devra être fait pour intégrer le réel et limiter les écarts d’expérience.
Dans tous les cas, une modification de ces critères entraîne des changements méthodologiques à faire valider en interne et par les commissaires aux comptes.
Les principes directeurs du retroplanning IFRS 17 doivent ainsi être arrêtés en amont pour réaliser les études d’impact et rejeux en proforma nécessaires à leur faisabilité et leur validation.
4/ Fast close et IFRS 17 : qu’en est-il de la comptabilité générale (Frais Généraux ?)
Si la répartition des frais n’est pas faite dans un outil 100% multinormes, un travail complémentaire de reclassement devra être effectué. Cela pourrait impliquer un renforcement des équipes.
La fréquence de mise à jour des clés d’allocation des frais est également à questionner pour limiter le travail de répartition analytique (par destination en French Gaap, récurrent / non récurrent en S2, rattachable / non rattachable en IFRS 17).
5/ Fast close et IFRS 17 : quelle organisation privilégier ?
Comme expliqué plus haut, IFRS 17 « renverse la boîte » dans le séquencement des arrêtés, et l’organisation doit s’y adapter. Trois éléments constituent le fondement d’un fonctionnement efficace :
- Une chaîne opérationnelle dédiée à IFRS 17 et clairement identifiée sur les fonctions clés du process ;
- Une fonction actuarielle renforcée pour absorber la charge de gestion des modèles, les analyses de variations et les bridges inter-normes, à l’instar de ce qui a été réalisé lors de la mise en place de Solvabilité 2 ;
- Une fonction de pilotage transverse, rattachée en direct à la direction financière et technique, soutenue par un outillage performant et ergonomique. Cette fonction de pilotage transverse associée à un outillage adapté constituent des leviers forts dans la mise en place d’une démarche d’amélioration continue (voir benchmark SeaBird).