La réconciliation multinormes est un exercice soumis de manière constante aux évolutions réglementaires, ce qui en fait un enjeu permanent, tout spécialement dans le secteur de l’Assurance. Pour chaque type de retraitement comptable (par exemple la surcote/décote, la réserve de capitalisation et le goodwill, etc), les règles de gestion diffèrent selon la norme en question : norme locale (French GAAP), IFRS, et Solvabilité 2.
En particulier, la réconciliation des provisions techniques n’intervient aujourd’hui qu’entre IFRS et S2, IFRS 4 autorisant le calcul selon les règles locales. Demain, IFRS 17, en imposant une valorisation différente des provisions techniques, rendra aussi nécessaire une réconciliation avec les French Gaap.
En s’appuyant sur les expériences de ses consultants, SeaBird a identifié 6 conseils pratiques afin de faciliter la réconciliation des trois normes IFRS, French GAAP et S2.
Conseil N°1 – Identifier les écarts en lecture directe
Au passage en norme IFRS, certains acteurs ont fait le choix de développer un plan de comptes extrêmement détaillé prévoyant tous les croisements analytiques possibles. L’interface d’un tel modèle est relativement simple, car il n’y a qu’un seul axe à alimenter. En revanche, la gestion courante de cette solution « à plat » est lourde à assurer : elle risque de démultiplier le plan de compte de façon indue, ce plan pouvant aller jusqu’à plusieurs milliers de comptes. Il convient de bien documenter l’ensemble du paramétrage et la logique d’implémentation qui a été retenue pour que cette dernière puisse perdurer.
Un système d’information avec un granularité très fine, permet aisément de récupérer les données. Il sera par exemple possible de distinguer le coût d’achat, la réévaluation, la surcote/décote, etc. Ensuite, par code norme, il est possible de récupérer les montants associés.
Conseil+ : l’utilisation de la solution « à plat » est plus adaptée à des entités présentant une structure de compte très synthétique. Malgré l’intérêt d’un paramétrage plus simple à mettre en œuvre sur un seul axe utilisé, il demeure long et peu évolutif.
Conseil N°2 – Identifier les écarts grâce à un axe analytique
En cas d’écarts de normes, il faut le plus possible savoir les identifier en lecture directe. Cependant, si le système d’information ne contient pas de compte dédié, permettant cette lecture instantanée, il faut alors « créer l’information », via une règle de gestion. Il s’agit d’une solution « en étoile ».
Pour cela, il est possible de croiser un plan de compte plus agrégé avec un ou plusieurs axes analytiques qui permettent de gérer des notions transverses. En associant la clé de compte et les axes analytiques, l’écart apparaît, et il est alors possible de récupérer le montant, puis de réaliser le retraitement.
Sous S2, des règles de gestion peuvent être définies pour produire et alimenter les reportings par Line of Business (LoB). En effet, les LoB permettent d’effectuer une ventilation analytique, et d’obtenir par exemple une vision du risque sur les passifs d’assurance. La détermination de ces LoB se fait selon des critères qui peuvent varier selon les types de produits (par exemple en assurance vie, les critères de détermination des LoB sont le type de support, PERP/non PERP, etc.).
Conseil+ : Après avoir créé les LoB dans les SI de gestion (à partir des règles de gestion), il est conseillé de véhiculer les LoB dans l’outil comptable (via la clé comptable), puis dans les entrepôts de données et dans l’outil de consolidation, pour pouvoir alimenter automatiquement l’outil réglementaire S2. In fine, cela permet de réaliser les reportings prudentiels. Cela nécessite que l’outil comptable soit unique, et qu’il existe des mappings pour l’exhaustivité des comptes sans « discontinuité » entre les normes, permettant une piste d’audit fluide.
Conseil N°3 – Identifier les écarts de manière «extra-comptable»
Lorsque l’identification des écarts n’est permise ni par les solutions « à plat » et ni par celles « en étoile » (par exemple si le budget est insuffisant pour réaliser des développements dans les outils), il faut alors les identifier manuellement, à partir d’autres états en aval de la comptabilité (datawarehouse, extractions, …). Si l’information n’est pas disponible en comptabilité, il convient d’utiliser des états de gestion (via les SI de gestion) dans lesquels l’information est disponible.
Il est tout à fait possible que plusieurs états de gestion soient requis pour obtenir l’information, ou alors qu’un retraitement à partir de plusieurs inputs soit nécessaire. C’est un travail fastidieux, qui engendre la mise en place de contrôles pour vérifier que la comptabilité est bien en concordance avec la gestion. Si l’on prend l’exemple du code CIC (relatif aux placements financiers), il s’agit d’une information qui n’est pas présente en comptabilité. Il faut donc utiliser des états de gestion comme l’inventaire où cette information est disponible. Par la suite, il faudra alors rapprocher les données comptables des informations de gestion afin de s’assurer que les données sont cohérentes.
Conseil+ : Les travaux de rapprochement entre la comptabilité et la gestion, très chronophages, peuvent être automatisés dans des datamart, des bases Access, ou Excel en fonction de la volumétrie de données à réconcilier. La combinaison de technologies de RPA et de Data Science permet d’aller un cran plus loin et de sécuriser et traiter plus rapidement ces réconciliations.
Conseil N°4 – Structurer le SI dès sa conception
L’une des difficultés majeures engendrées par les écarts de norme se situe au niveau des process et des systèmes d’informations. Il est impératif que la comptabilisation multi-normes soit la plus automatisée possible. L’investissement des entreprises dans des systèmes comptables puissants et capables de restituer de manière ergonomique les données, est une des clés de succès pour une réconciliation efficace.
Il est important de tenir compte des potentielles évolutions réglementaires, lorsque le SI en est à sa phase de conception. Le choix de la modélisation/restitution de la donnée est crucial, afin de faciliter le passage vers la consolidation.
Un modèle « à plat » permettra, par exemple, difficilement d’établir des états de reportings, car la sélection des bons groupes de compte est fastidieuse. En outre, il ne sera pas permis d’assurer facilement la transition d’IFRS 4 vers IFRS 17 avec ce type de modèle, dont les plans de compte sont peu évolutifs.
Conseil+ : Pour une entreprise qui dispose d’axes analytiques dans sa clé comptable, un modèle « en étoile » est à privilégier car un tel outil permet de gérer nativement l’aspect multidimensionnel.
Conseil N°5 – Formaliser les écarts de principe
L’identification des écarts qui vont entraîner des opérations de réconciliation repose en premier lieu sur les « principes directeurs » de chaque norme. Pour IFRS, la philosophie de la norme est axée sur la réalité économique, alors qu’en French GAAP, il est plutôt question du patrimoine et des règles fiscales. Sous S2, l’axe est davantage orienté risques.
Lorsqu’un nouveau type d’écriture est à implémenter dans la comptabilité, il faut impérativement se demander si le traitement entre les normes sera équivalent, ou si des différences de traitements seront à réaliser. Une confirmation par les services normes de l’entreprise et/ou des commissaires aux comptes s’avère souvent nécessaire.
Conseil+ : Lorsqu’un écart est constaté, il faut passer une écriture dans des journaux différents. Il est recommandé de rédiger systématiquement un mémo afin d’expliquer les raisons de ces écarts (donner, par exemple, des explications sur le goodwill et l’amortissement en French GAAP, sur le test de dépréciation en IFRS, et sur la valeur nulle en S2).
Conseil N°6 – Assurer la qualité de la donnée
La mise en qualité d’une donnée est fondamentale, afin d’effectuer sa réconciliation multi-normes de la manière la plus sécurisée possible. Elle est garante de la justesse de la réconciliation, dès lors que les données sont exactes, pertinentes, et exhaustives.
Pour s’assurer de la qualité des données, certains contrôles doivent systématiquement être effectués :
- vérifier la bonne saisie des données, et leur enregistrement au bon format pour garantir leur conformité (mettre en place des contrôles dans les outils, en vérifiant la présence de la donnée, ainsi que sa valeur) ;
- vérifier que les données sont uniques, et traçables à tout moment (mettre en place un contrôle lors de la validation, pour vérifier qu’il n’y a pas de doublon) ;
- vérifier que les données sont vraisemblables, et cohérentes entre elles (ce contrôle est en revanche difficilement automatisable, car il s’agit d’un contrôle qualitatif, bien souvent réalisé par une personne : il convient donc de formaliser ce contrôle, une fois que celui-ci est réalisé).
Conseil+ : Pour rehausser le niveau de qualité des données, des mesures comme la mise en place de dispositifs de qualité (contrôles d’exhaustivité vérifiant la présence de la donnée, et contrôle sur la valeur aboutissant à la mise en place de règles de validation) en début de chaîne d’intégration, la rationalisation des dictionnaires des entités vers un dictionnaire Groupe, ou encore l’exécution de contrôles automatiques remontant des alertes/règles de surveillance, sont particulièrement efficaces. Il existe sur le marché des outils qui permettent de gérer les données référentielles. Après avoir créé une master data (donnée référentielle) et des attributs liés à cette donnée, la donnée est déployée automatiquement dans les SI impactés (permettant ainsi de centraliser la gestion des master data à partir d’un seul outil).